La crise historique que nous traversons a mis les étudiants au cœur de l’actualité. En effet, la précarité chez les jeunes a grimpé suite au ralentissement et à la fermeture de nombreux secteurs pourvoyeurs de job étudiants. Cette situation n’a fait que révéler le besoin évident de politiques publiques pour encourager le travail des jeunes. Mais est-il toujours bénéfique de travailler à côté de ses études ?

Par ailleurs, on constate que le taux de jeunes cumulant études et travail étudiant est bien plus faible en France que chez nos voisins européens. Alors que  71% des jeunes allemands et 77% des hollandais ont un emploi, ce chiffre s’élève à seulement 44% pour les étudiants français. Comment expliquer ces disparités ? Et quelles mesures simples pourraient-être adoptées pour rattraper le retard français sur le sujet ?

Autant de questions qui ont été discutées lors du colloque sur le travail étudiant organisé par StaffMe en partenariat avec le Figaro Étudiant le 15 avril dernier.

Les étudiants, “une population fragile”

Comme la crise nous l’a rappelé, la population étudiante est fragile. Robin Rivaton, économiste et essayiste, note que l’on voit se dessiner une concentration de l'enseignement supérieur à l’échelle des métropoles qui aboutit à une augmentation des coûts de la scolarité. Comme il l’explique, “les étudiants sont obligés d’avoir recours à d’autres types de financement, tels que le financement par la dette ou le financement par le travail étudiant”.

De nombreux étudiants doivent donc habiter loin de leur famille et peuvent rencontrer des difficultés financières. Charles de Froment, fondateur du cabinet Pergamon, explique que “ces derniers ont besoin de travailler pour pallier ce type de contraintes“.

Le travail étudiant, un phénomène aux multiples bénéfices

Outre l’apport financier nécessaire pour répondre aux besoins primaires et au financement des études, le travail étudiant permet de faire des rencontres, d’acquérir de l’expérience et de compléter son apprentissage. Faustine Pô, consultante chez Pergamon, confirme que “travailler pendant ses études peut avoir un effet positif car cela va faciliter l’insertion sur le marché du travail. Les étudiants qui travaillent sont moins susceptibles d’être au chômage pendant les premières années de leur vie professionnelle”.

De plus, Olivier Rey, Inspecteur général à l’éducation, le sport et la recherche, souligne “les apports bénéfiques du travail étudiant dans l’apprentissage de soft skills, comme la ponctualité et la régularité, qui participent également à la réussite des études.” Le travail étudiant permet donc de structurer la vie universitaire et de mettre les étudiants dans une dynamique propice à l’apprentissage.

La nécessité de l’équilibre travail-études

À l’inverse, il est également important de trouver un équilibre entre son travail et ses études. Trop travailler peut être dangereux pour la réussite scolaire. Comme l’a souligné Sophie de Tarlé, Rédactrice en chef du Figaro Étudiant, “plus de 15 heures de travail hebdomadaire peut mener à un décrochage, c’est ce que nous montre toutes les études à ce sujet”.

Charles de Froment a également rappelé qu'”un étudiant a besoin de devoir travailler quand il veut”. Par la particularité de leur situation, les étudiants sont sujets à un certain nombre de contraintes sporadiques, les examens par exemple, qui les placent dans un besoin de temps de travail flexible. Cette forme de travail unique nécessite la création d’un cadre réglementaire dédié, différent de celui d’une personne en CDI ou CDD.

Le travail étudiant, une réalité encore peu étudiée et réglementée

Pourtant, alors qu’il y a 2,7 millions d’étudiants en France, Charles de Froment confirme qu’il “existe peu, voir pas, de politique publique dédiée à ce phénomène”. La réalité est que tout étudiant travaille à un moment ou à un autre durant ses études. Il est donc nécessaire de créer un véritable cadre ad hoc, cadre déjà présent dans d’autres pays européens, pour encadrer ce type de travail. Faustine Pô met en perspective cette réalité  avec d’autres pays européen tels que la Belgique ou l’Allemagne, États dans lesquels “le travail étudiant dispose d’un statut propre”.

Le travail étudiant en France : une forme de travail encore taboue

Alors que le travail étudiant est perçu comme un phénomène généralisé chez un grand nombre de nos confrères occidentaux, il est souvent rattaché à une image péjorative dans l’Hexagone. Comme l’affirme Sophie de Tarlé, “en France, le jeune qui travaille, c’est un jeune qui va parfois  être perçu comme pauvre”.

Ainsi, on peut constater un réel tabou français autour de la question du travail étudiant,  rendant invisible un phénomène pourtant courant chez les jeunes adultes. Comme l’explique Yanis Limame, Vice-président de la Fage, 1er syndicat étudiant de France, “pendant plus de 75 ans, on a nié une réalité qui existe et qui fait qu’un étudiant sur deux aujourd'hui travaille."

L’enseignement supérieur français, un académisme délétère ?

L’architecture de l’enseignement supérieur français participe à la création de ce flou. Yanis Limame fait remarquer que “le système éducatif français est caractérisé par un fort académisme, où nous mettons en avant l’apprentissage de connaissances plutôt que de compétences”.

Olivier Rey, Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, constate que le système éducatif français a également un rapport différent au temps : '“en France, on privilégie des parcours scolaires très denses et compétitifs. La France est presque dans un système monacal, calqué sur les grandes écoles. Lorsqu’on fait des études, on ne fait que ça, de manière très intense, sans laisser de place au reste”.

Il termine en expliquant que “les institutions d’enseignements supérieurs ne considèrent pas encore le travail étudiant comme quelque chose de normal”. Il n’y a pas d’horaires aménagés, ni de reconnaissance de compétences acquises ailleurs que dans le cadre universitaire.

Un déficit d’informations sur le travail étudiant dans l’espace public ?

Enfin, une dernière raison pouvant expliquer l’invisibilisation du travail étudiant est le manque d’informations sur le sujet. Il n’y a pas d’acteur étatique dédié au travail étudiant qui pourrait centraliser les actualités et les informations. Il faut ainsi agir pour une “meilleure lisibilité du travail étudiant, notamment pour ne pas l’opposer à celui proposé aux autres jeunes” affirme Olivier Rey.

Enfin, comme le note Jean-Baptiste Achard, Co-fondateur de StaffMe, il faut “une reconnaissance publique du travail étudiant ainsi qu’une labellisation de ce dernier dans l’espace public".

Le numérique et le statut d'indépendant, des opportunités pour le travail étudiant

Il est intéressant de noter les bénéfices que le statut d'auto-entrepreneur et le numérique peuvent apporter en faveur du travail étudiant.

Robin Rivaton rappelle que "le numérique a permis d'atteindre un niveau d'information extrêmement important, ce qui a permis à chacun de faire ses choix plus librement. D'autant plus avec des plateformes comme StaffMe qui permettent de donner de la visibilité aux bons employeurs et à ceux qui offrent des conditions intéressantes pour les étudiants".

Jean-Baptiste Achard ajoute que “l’étudiant a besoin d’un statut flexible car son agenda est dicté par la fluctuation de la vie universitaire et des ses moments de vie. Grâce au statut d’auto-entrepreneur, un jeune peut intercaler des missions professionnelles entres ses rendus universitaires et ainsi adapter son rythme de travail.” Ce statut constitue donc une solution simple à ce besoin de flexibilité.

Des propositions concrètes pour encourager l’emploi étudiant

Pour conclure, Jean-Baptiste Achard est revenu sur la publication du livre blanc de StaffMe intitulé “Le travail étudiant, continent invisible des politiques d’emploi”, paru le même jour que le colloque. Celui-ci formule 10 propositions simples à mettre en place afin de favoriser la généralisation du travail étudiant. Comme l’a rappelé Charles de Froment, ces mesures permettront d’apporter une meilleure visibilité au travail étudiant, de favoriser un travail étudiant responsable mais aussi d’augmenter les moyens publics dédiés au travail étudiant.

Pour télécharger le livre blanc de StaffMe cliquez-ici : https://www.travailetudiant.fr/

Photo d'une main tenant le livre blanc de StaffMe sur le travail étudiant